Les leçons de la condamnation d’Alain Griset pour la responsabilité des élus et la transparence de la vie publique

Par Nicolas Chevalier-Roch

Vous êtes peut-être passé à côté de la nouvelle, mais le Ministre Délégué chargé des petites et moyennes entreprises de France, Alain Griset, vient de présenter sa démission au motif de sa condamnation en première instance pour déclaration incomplète de son patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique.

Si l’ex ministre a fait appel de sa condamnation, il est tout de même intéressant de revenir sur cette dernière, dans un contexte où la justice est de moins en moins compréhensive vis-à-vis des élus qui commettent des erreurs de ce type.

Depuis la Loi pour la transparence de la vie publique du 11 octobre 2013, les membres du gouvernement, les parlementaires et une grande partie des élus locaux membre d’exécutif sont obligés de faire des déclarations concernant leur patrimoine et leurs différents intérêts.

La Haute Autorité de la Transparence de la Vie Publique a pour rôle de récupérer, contrôler et publier ces déclarations, pour assurer le respect de la Loi. Et c’est dans ce cadre que la HATVP a saisie la justice considérant que la déclaration de patrimoine d’Alain Griset ne mentionnait pas un Plan Epargne en Action d’un montant total de 171 000€. Si à première vu cette affaire peut sembler anodine, en réalité la lourdeur des peines demandées par le Procureur de la République et de la peine donnée est une indication forte de la volonté de l’ensemble des acteurs de la transparence de la vie publique et de la justice d’envoyer un message clair aux acteurs publics.

En effet, le procureur avait requis contre Alain Griset 10 à 12 mois de prison avec sursis, 30 000€ d’amende et 3 ans d’inéligibilité. Il a été finalement été condamné en première instance à 6 mois de prisons et 3 ans d’inéligibilité avec sursis. Si c’est bien loin de la peine maximale, de 3 ans d’emprisonnement, 45 000€ d’amende et 10 ans d’inéligibilité, prévue pour l’absence de déclaration ou des déclarations incomplètes c’est plus que pour tous les autres élus condamnés ces derniers mois pour de mêmes faits.

Jean-Paul Delevoye, qui était poursuivit pour des faits similaires, avec des oublis plus nombreux (NDLR – L’ancien Haut-Commissaire aux Retraites avait oublié de déclarer une dizaine de mandats dans des structures privées et minoré ses revenus) n’a été condamné qu’à 4 mois de prisons avec sursis et 15 000€ d’amende sans la moindre sanction d’inéligibilité.

Les obligations des élus locaux en matière de transparence de la vie publique :

16 000 élus, membres du gouvernements et fonctionnaires doivent présenter leurs déclarations à la HATVP. Il faut d’abord distinguer les deux types de déclarations : la déclaration de patrimoine qui doit présenter l’ensemble du patrimoine immobilier et financier de l’élu et de son conjoint, la déclaration d’intérêt qui doit présenter ses emplois actuels et ceux qu’il a exercé sur les 3 ans qui précèdent l’entrée en fonction, l’ensemble des participations, même bénévoles, à des structures, mêmes associatives, publiques ou d’intérêt général et les mêmes informations pour son conjoint.

Les élus qui doivent réaliser ses déclarations sont :

  • L’ensemble des parlementaires.
  • Les présidents, vice-présidents et autres élus disposant de délégation de signature ou de fonction, des Conseils Régionaux et Départementaux ainsi que des Collectivités Territoriales.
  • Les présidents des EPCI à fiscalité propre dont la population excède 20 000 habitants ou dont les recettes de fonctionnement dépassent les 5M€.
  • Les vice-présidents d’EPCI à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants, qui disposent d’une délégation de signature ou de fonction.
  • Les maires de communes de plus de 20 000 habitants.
  • Les adjoints au maire de communes de plus de 100 000 habitants, à condition qu’ils disposent d’une délégation de signature ou de fonction.

Ces déclarations doivent être faites dans les 2 mois qui suivent la prise de fonction, ou tout changement de situation et dans les 6 mois qui précèdent la fin de leur mandat pour les parlementaires et dans les deux mois qui précèdent la fin de mandat des élus locaux.

Mais attention, ça n’est pas parce que vous ne rentrez pas dans ces critères que vous ne devez pas être attentif à votre situation et surtout à de possibles conflits d’intérêts que vous pourriez avoir en lien avec vos fonctions d’élu.

En outre, depuis la Loi Engagement et Proximité du 27 décembre 2019, il doit être présenté, avant le vote du budget, un état des indemnités de toutes natures, au titre de tout mandat et de toutes fonctions exercées en tant qu’élu local. Ce document doit présenter pour chaque élu de la collectivité, ses indemnités, ses avantages en nature ou encore remboursements de frais qui perçoit de tous ses mandats, de ses fonctions dans des syndicats, à l’EPCI ou encore dans toute structure dans laquelle il siègerait au titre de son mandat d’élu local. L’absence de ce document, ou la non communication de ces éléments pourrait être reproché à la collectivité ou à son Maire qui est garant du bon respect de la réglementation et de l’élaboration des documents budgétaires.

Pour en savoir plus et vous protéger dans votre rôle d’élu n’hésitez pas à faire appel à nos services pour découvrir nos formations sur les droits et la responsabilité des élus.


[1] En première instance. Alain Griset ayant fait appel à cette condamnation n’est pas définitive et l’ex-ministre continue de bénéficier de la présomption d’innocence.

[2] Etablissements Publics de Coopération Intercommunale : Communauté de Communes, Communauté d’Agglomérations, Communauté Urbaine ou Métropole.

BIO Auteur

Nicolas Chevalier-Roch

Juriste en droit et gestion des collectivités territoriales avec plus de 10 ans d’expérience en tant que collaborateur des élus et directeur de cabinet. Expert en urbanisme, développement économique, commercial et touristique. Formateur et conseil pour les collectivités locales et leurs élus sur des sujets variés (Lois MAPTAM, NOTRE, GEMAPI, suppressions de la Taxe Professionnelle, de la Taxe d’Habitation, modifications et transferts de compétences, la Police Municipale, de la communication, du protocole et des festivités, ainsi que de la démocratie locale.)

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